« Mon grand-père
disait qu'une langue, c'est comme une amoureuse, il faut s'en occuper
affectueusement sinon elle pourrait filer à l'anglais et frencher une langue
étrangère.» Boucar Diouf, animateur et humoriste québécois
(2016).
L'origine des expressions
québécoises
Si notre vocabulaire
présente plusieurs anciens mots ou expressions, là n'est pas son unique
caractéristique. Les expressions québécoises populaires donnent au français d'ici toute sa saveur et sa particularité. Chaque mot, chaque expression est un précieux héritage des ancêtres.Notre vocabulaire contient aussi des mots qui décrivent des
réalités propres à notre culture. Pour parler de la vie de tous les jours, nous
avons créé des expressions imagées comme noirceur, poudrerie, souffleuse,
traversier, etc. D'une tradition agricole, nous avons également fabriqué des
locutions comme: sauter la clôture, faire le train, pleuvoir à boire debout et
amanchure de broches à foin.
Voici quelques québécismes qui ne
manquent pas d'originalité.
La guignolée:
Ce mot vient de l'ancien français
aguilaneuf qui signifie "au gui l'an neuf. On le doit aux Gaulois qui, à
la veille du jour de l'An, partaient à la recherche du gui de chêne.
Aujourd'hui, la guignolée perpétue le principe de la cueillette, sauf qu'on ne
recueille plus le gui, mais bien des présents pour les gens démunis, en
prévision de Noël.
Barrer la porte:
En ancien français, on découvre que le
mot barrer s'applique à un mode de fermeture qui consiste à mettre une barre
transversale sur une porte. On voit d'ici: une vieille porte en bois, bloquée
par une barre.
S'en ficher comme l'an 40:
Au Québec, cette expression daterait
du début de 1740 lorsque des gens ont commencé à répandre une nouvelle à
l'effet que des événements terribles se produiraient cette année-là. La
prédiction se révéla tout à fait fausse. C'est ainsi que pour rire des personnes
qui avaient répandu celle-ci, les colons du temps ont lancé la fameuse formule:
"On s'en fiche comme l'an 40".
Se fermer la boîte:
Cette expression est née alors que des
lignes téléphoniques étaient partagées. Quand quelqu'un écoutait sur la ligne,
on disait de fermer sa boîte, c'est-à-dire de raccrocher son récepteur.
Avoir des bidous:
Nos fameux bidous viennent d'une
ancienne monnaie utilisée en France: le bidet. Il est drôle de penser
qu'aujourd'hui le mot bidet a perdu sa vocation commerciale... pour une
vocation autrement plus utilitaire. (Le bidet est une sorte de cuvette servant
à la toilette intime.)
Virer son capot de bord et vire-capot:
Expressions qui qualifient quelqu'un
qui change d'allégeance politique. Autrefois, il était très mal vu de changer
de parti et on disait de celui qui passait dans un autre camp qu'il était un
vire-capot. Au Québec, le mot capot représente un paletot à capuchon autrefois
fabriqué en étoffe du pays.
Prendre une brosse:
Pourrait venir de brosser qui, dans
les parlers gallo-romains, signifie aller à travers les broussailles,
c'est-à-dire errer à l'aventure.
Le diable est aux vaches:
La discorde, le chaos s'instaure, le
temps se gâte. Allusion à l'agitation des vaches dans l'étable qui, croyait-on,
était causée par le diable mais aussi par le mauvais temps imminent.
Le bonhomme sept heures:
C'est une expression qui a pris une
drôle de tournure. Inspirée de l'anglais bonne setter, c'est-à-dire ramancheur,
elle a fait appel à notre imaginaire. On la doit aux médecins itinérants qui,
autrefois, se rendaient dans les foyers québécois pour replacer les os des
habitants. Comme on entendait les cris de douleur de leurs patients, ils ne
manquaient jamais d'effrayer les enfants. C'est ainsi que pour obtenir
l'obéissance de ces derniers, nos ancêtres les menaçaient de faire appel aux
services du bonhomme sept heures.
Attendre quelqu'un avec une brique et
un fanal:
Au temps de la colonie, les personnes
qui voyageaient en carriole l'hiver étaient raccompagnées par leurs hôtes qui
les éclairaient d'un fanal et qui avaient pris soin de réchauffer des briques
pour maintenir leurs pieds au chaud. On utilise maintenant l'expression à l'opposé de sa signification initiale à dire qu'on attend quelqu'un de pied ferme.
Tête à Papineau:
Ne pas être la tête à Papineau; ne pas
être très intelligent, très perspicace. Allusion à Louis-Joseph Papineau,
célèbre tribun populaire, qui passait pour très intelligent.
Quel temps de cochon:
Cette expression bien ancrée dans le
langage populaire et qui désigne un mauvais temps, froid et humide, trouve son
origine et son explication dans la vie rurale de jadis. Lorsque, à des fins
purement nourricières, l'on sacrifiait cet animal arrivé à la corpulence
souhaitée, il n'était pas question de le consommer en entier, mais de le
conserver pour les dures saisons à venir. L'une des méthodes de conservation
les plus connues était la mise au saloir. Pour favoriser la prise de sel, il
importait que le temps soit de la partie: une bonne et froide humidité ambiante
était un gage de réussite. Le porc était donc tué en novembre, par un temps...
de cochon.
Chanter la pomme:
Quelle pomme? On pense immédiatement à
la pomme qui fut échangée entre Eve et Adam. Il existe dans les traditions du
folklore une douzaine de façons différentes de se tenir ou se toucher la main
entre cavalier et cavalière, un véritable code érotique, sans qu'une parole
soit dite. L'un des signes de ce discours muet consistait pour le garçon à
presser d'une façon particulière la paume de la fille. A-t-il pu se produire,
dans ce contexte musical des danses folkloriques, une transformation du son:
chanter la paume, chanter la pomme? C'est une hypothèse qui est loin d'être
négligeable, compte tenu des variations phonétiques du parler québécois.
Ne pas être dans son assiette:
Avant d'être cette «vaisselle plate»,
datant du début du XVIe siècle, dans laquelle on sert la nourriture, assiette
signifiait seulement position, manière d'être posé. C'est là le sens propre et
ancien du terme, dérivé du même mot latin que asseoir et assise, celui que l'on
emploie encore lorsqu'on parle de la «bonne assiette d'un cavalier sur sa
selle.»
Avoir du pain sur la planche:
Les paysans avaient l'habitude de
faire à l'avance une assez grande quantité de pain qu'ils mangeaient sur une
planche fixée aux solives du plafond au moyen de montants de bois. Tant qu'ils
avaient ainsi du pain cuit, ils disaient qu'ils avaient du pain sur la planche,
expression qui a été prise au figuré et s'est appliquée à toute personne ayant
de quoi vivre sans qu'elle ait besoin de travailler; puis, par extension, à
avoir du travail en réserve.
Avoir un pain au four:
Voici une expression bien appétissante ! Mais ne
vous méprenez pas, cette expression québécoise n’a rien de culinaire. Elle veut
dire «être enceinte», c’est une manière bien poétique de parler de grossesse.
Les bizarreries du français
Notre langue regorge aussi de
bizarreries. Voici des exemples:
Christ, honteusement galvaudé. Le
diable a droit à plus d'égards. Exemple: «Ti-Gui est un maudit bon yabe, mais
son frère, c'est un petit christ.»
Un patron remercie un employé
lorsqu'il le flanque à la porte.
Dormir sur ses deux oreilles. Avec
quel tour de passe-passe peut-on réussir cela?
Si vous avez les idées noires, vous
risquez de passer des nuits blanches...
Ne dit-on «les quatre coins du monde,»
alors que nous savons que la terre est ronde?
Il faut vraiment être mal fichu pour
avoir le compas dans l'œil et l'estomac dans les talons.
Celui qui veut avoir de l'argent devant
lui, doit le mettre de côté.
On dit que le chien est le meilleur
ami de l'homme et que celui-ci a un caractère de chien.
Merde pour souhaiter bonne chance.
Ces « mots dits» mettent de la couleur dans nos conversations et suscitent toujours l'intérêt des amoureux de la langue qui se laissent entraîner à déployer les images.
À la prochaine séance...
Gwen
Glenn, très beau blogue plein de belles expressions!
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