dimanche 11 décembre 2016

Billet 7 - L'origine des expressions québécoises


« Mon grand-père disait qu'une langue, c'est comme une amoureuse, il faut s'en occuper affectueusement sinon elle pourrait filer à l'anglais et frencher une langue étrangère.» Boucar Diouf, animateur et humoriste québécois (2016).

L'origine des expressions québécoises

Si notre vocabulaire présente plusieurs anciens mots ou expressions, là n'est pas son unique caractéristique. Les expressions québécoises populaires donnent au français d'ici toute sa saveur et sa particularité. Chaque mot, chaque expression est un précieux héritage des ancêtres.Notre vocabulaire contient aussi des mots qui décrivent des réalités propres à notre culture. Pour parler de la vie de tous les jours, nous avons créé des expressions imagées comme noirceur, poudrerie, souffleuse, traversier, etc. D'une tradition agricole, nous avons également fabriqué des locutions comme: sauter la clôture, faire le train, pleuvoir à boire debout et amanchure de broches à foin.

Voici quelques québécismes qui ne manquent pas d'originalité.

La guignolée:
Ce mot vient de l'ancien français aguilaneuf qui signifie "au gui l'an neuf. On le doit aux Gaulois qui, à la veille du jour de l'An, partaient à la recherche du gui de chêne. Aujourd'hui, la guignolée perpétue le principe de la cueillette, sauf qu'on ne recueille plus le gui, mais bien des présents pour les gens démunis, en prévision de Noël.
Barrer la porte:
En ancien français, on découvre que le mot barrer s'applique à un mode de fermeture qui consiste à mettre une barre transversale sur une porte. On voit d'ici: une vieille porte en bois, bloquée par une barre.
S'en ficher comme l'an 40:
Au Québec, cette expression daterait du début de 1740 lorsque des gens ont commencé à répandre une nouvelle à l'effet que des événements terribles se produiraient cette année-là. La prédiction se révéla tout à fait fausse. C'est ainsi que pour rire des personnes qui avaient répandu celle-ci, les colons du temps ont lancé la fameuse formule: "On s'en fiche comme l'an 40".
Se fermer la boîte:
Cette expression est née alors que des lignes téléphoniques étaient partagées. Quand quelqu'un écoutait sur la ligne, on disait de fermer sa boîte, c'est-à-dire de raccrocher son récepteur.
Avoir des bidous:
Nos fameux bidous viennent d'une ancienne monnaie utilisée en France: le bidet. Il est drôle de penser qu'aujourd'hui le mot bidet a perdu sa vocation commerciale... pour une vocation autrement plus utilitaire. (Le bidet est une sorte de cuvette servant à la toilette intime.)
Virer son capot de bord et vire-capot:
Expressions qui qualifient quelqu'un qui change d'allégeance politique. Autrefois, il était très mal vu de changer de parti et on disait de celui qui passait dans un autre camp qu'il était un vire-capot. Au Québec, le mot capot représente un paletot à capuchon autrefois fabriqué en étoffe du pays.
Prendre une brosse:
Pourrait venir de brosser qui, dans les parlers gallo-romains, signifie aller à travers les broussailles, c'est-à-dire errer à l'aventure.
Le diable est aux vaches:
La discorde, le chaos s'instaure, le temps se gâte. Allusion à l'agitation des vaches dans l'étable qui, croyait-on, était causée par le diable mais aussi par le mauvais temps imminent.
Le bonhomme sept heures:
C'est une expression qui a pris une drôle de tournure. Inspirée de l'anglais bonne setter, c'est-à-dire ramancheur, elle a fait appel à notre imaginaire. On la doit aux médecins itinérants qui, autrefois, se rendaient dans les foyers québécois pour replacer les os des habitants. Comme on entendait les cris de douleur de leurs patients, ils ne manquaient jamais d'effrayer les enfants. C'est ainsi que pour obtenir l'obéissance de ces derniers, nos ancêtres les menaçaient de faire appel aux services du bonhomme sept heures.
Attendre quelqu'un avec une brique et un fanal:
Au temps de la colonie, les personnes qui voyageaient en carriole l'hiver étaient raccompagnées par leurs hôtes qui les éclairaient d'un fanal et qui avaient pris soin de réchauffer des briques pour maintenir leurs pieds au chaud. On utilise maintenant l'expression à l'opposé de sa signification initiale à dire qu'on attend quelqu'un de pied ferme.
Tête à Papineau:
Ne pas être la tête à Papineau; ne pas être très intelligent, très perspicace. Allusion à Louis-Joseph Papineau, célèbre tribun populaire, qui passait pour très intelligent.
Quel temps de cochon:
Cette expression bien ancrée dans le langage populaire et qui désigne un mauvais temps, froid et humide, trouve son origine et son explication dans la vie rurale de jadis. Lorsque, à des fins purement nourricières, l'on sacrifiait cet animal arrivé à la corpulence souhaitée, il n'était pas question de le consommer en entier, mais de le conserver pour les dures saisons à venir. L'une des méthodes de conservation les plus connues était la mise au saloir. Pour favoriser la prise de sel, il importait que le temps soit de la partie: une bonne et froide humidité ambiante était un gage de réussite. Le porc était donc tué en novembre, par un temps... de cochon.
Chanter la pomme:
Quelle pomme? On pense immédiatement à la pomme qui fut échangée entre Eve et Adam. Il existe dans les traditions du folklore une douzaine de façons différentes de se tenir ou se toucher la main entre cavalier et cavalière, un véritable code érotique, sans qu'une parole soit dite. L'un des signes de ce discours muet consistait pour le garçon à presser d'une façon particulière la paume de la fille. A-t-il pu se produire, dans ce contexte musical des danses folkloriques, une transformation du son: chanter la paume, chanter la pomme? C'est une hypothèse qui est loin d'être négligeable, compte tenu des variations phonétiques du parler québécois.
Ne pas être dans son assiette:
Avant d'être cette «vaisselle plate», datant du début du XVIe siècle, dans laquelle on sert la nourriture, assiette signifiait seulement position, manière d'être posé. C'est là le sens propre et ancien du terme, dérivé du même mot latin que asseoir et assise, celui que l'on emploie encore lorsqu'on parle de la «bonne assiette d'un cavalier sur sa selle.»
Avoir du pain sur la planche:
Les paysans avaient l'habitude de faire à l'avance une assez grande quantité de pain qu'ils mangeaient sur une planche fixée aux solives du plafond au moyen de montants de bois. Tant qu'ils avaient ainsi du pain cuit, ils disaient qu'ils avaient du pain sur la planche, expression qui a été prise au figuré et s'est appliquée à toute personne ayant de quoi vivre sans qu'elle ait besoin de travailler; puis, par extension, à avoir du travail en réserve.
Avoir un pain au four:
Voici une expression bien appétissante ! Mais ne vous méprenez pas, cette expression québécoise n’a rien de culinaire. Elle veut dire «être enceinte», c’est une manière bien poétique de parler de grossesse.


Les bizarreries du français 

Notre langue regorge aussi de bizarreries. Voici des exemples:

Christ, honteusement galvaudé. Le diable a droit à plus d'égards. Exemple: «Ti-Gui est un maudit bon yabe, mais son frère, c'est un petit christ.»
Un patron remercie un employé lorsqu'il le flanque à la porte.
Dormir sur ses deux oreilles. Avec quel tour de passe-passe peut-on réussir cela?
Si vous avez les idées noires, vous risquez de passer des nuits blanches...
Ne dit-on «les quatre coins du monde,» alors que nous savons que la terre est ronde?
Il faut vraiment être mal fichu pour avoir le compas dans l'œil et l'estomac dans les talons.
Celui qui veut avoir de l'argent devant lui, doit le mettre de côté.
On dit que le chien est le meilleur ami de l'homme et que celui-ci a un caractère de chien.
Merde pour souhaiter bonne chance.

Ces « mots dits» mettent de la couleur dans nos conversations et suscitent toujours l'intérêt des amoureux de la langue qui se laissent entraîner à déployer les images.

À la prochaine séance...
Gwen  
   


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